IA et protection des données personnelles : des forces antinomiques ?

La réglementation européenne en matière de protection des données personnelles (le RGPD) a instauré un cadre réglementaire dont l’objectif est de protéger les individus et les données qui les concerne et de leur offrir la faculté de consentir librement à l’utilisation de leurs données personnelles. A l’origine, l’instauration de ce corpus réglementaire visait d’abord à promouvoir une utilisation plus riche et en même temps plus responsable des données, à permettre aux entreprises de mieux répondre aux besoins de leurs clients par des offres mieux adaptées à ces besoins. Aujourd’hui qu’en est-il ? 

L’UE a d’abord raté le train des données personnelles sur lesquelles les GAFA ont construit leur empire. Il est regrettable de constater que l’objectif du RGPD de responsabilisation des entreprises dans les moyens qu’elles doivent mettre en œuvre pour protéger les données personnelles de leurs clients européens, ait été détourné. Il a en effet souvent conduit à une situation « d’autocensure ». Les acteurs économiques européens se privent souvent volontairement d’exploiter les données personnelles de leurs clients pour éviter tout risque de détournement de ces données et d’encourir des pénalités importantes. A l’inverse les GAFA, principales cibles de la réglementation, échappent encore relativement aux sanctions qui leur sont infligées et continuent de dominer le marché des données.

« Ce sont les données, travaillées par des algorithmes pendant des mois, qui permettent l’intelligence artificielle » comme le rappelle Thierry Breton, nouveau commissaire européen au marché intérieur. La prochaine vague de données – la matière première, donc, de cette révolution industrielle – sera faite d’informations générées par les entreprises, lesquelles sont appelées à doubler tous les dix-huit mois. « Ce sont celles que fournira, grâce à la 5G, une voiture connectée, ou une usine de traitement d’eau, ou encore une ville intelligente ». Alors que l’UE, en tant que première puissance industrielle au monde, dispose de beaucoup plus de data à exploiter que ses concurrents – les Etats-Unis et le Chine, il serait dommage qu’elle ne tire pas le plein bénéfice de cette révolution en cours. Pour ce faire, elle compte créer un « marché unique de ces données », ce qu’elle n’a pas fait en matière de données personnelles. Elle compte harmoniser et encadrer l’accès aux informations, inciter au partage des données, quand cela est possible, et développer des infrastructures très puissantes avec le support de la technologie 5G. L’UE a publié hier un Livre Blanc qui devrait spécifier ses intentions. Il est urgent que le cadre réglementaire de protection des données personnelles ne soit plus un frein mais au contraire un facilitateur à une exploitation responsable et pleinement efficace de ces données, si nécessaire à la révolution en cours de l’IA.

Les règles de protection des données ne doivent pas être un frein mais au contraire un facilitateur de leur exploitation responsable et pleinement efficace, si nécessaire à la révolution en cours de l’IA.

Pierre Giraudon, Associé fondateur de Querya

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