Repenser l’identification et l’accompagnement des clients fragiles

Fin 2018, dans le contexte de la crise des gilets jaunes, les banques ont été saluées pour leur engagement de limiter les frais d’incidents sur la clientèle fragile. Désormais elles doivent repenser leur approche pour identifier et accompagner les clients fragiles. Des enjeux à la fois financiers, commerciaux et d’image sont à la clé sous la pression croissante des pouvoirs publics. L’étude récente des clients identifiés fragiles menée par Querya nous explique pourquoi.

Au moins 20% des clients identifiés comme ‘’fragiles’’ par les banques ne le sont pas réellement. Telle est l’évaluation qui ressort de l’étude des clients fragiles menée par Querya en collaboration avec une banque de réseau. En effet, les clients sont aujourd’hui identifiés ‘’fragiles’’ par les banques selon deux natures de critères : des critères objectifs – clients interdits bancaires, clients inscrits au fichier de surendettement…- et des critères subjectifs laissés à la libre appréciation des banques. L’article R312-4-3 du code monétaire et financier précise qu’ils restent à l’appréciation du banquier en tenant compte d’incidents de paiement répétés et du montant des ressources portées au compte. Les banques appliquent ainsi des critères sur les revenus domiciliés du client qu’elles croisent avec la facturation de frais d’incidents.

Le premier critère des ‘’revenus domiciliés’’ constitue une première source de difficultés pour les banques. En effet, celles-ci ne disposent pas d’information sur les revenus du client, mais uniquement sur les flux domiciliés. De nombreux comptes secondaires sont insuffisamment provisionnés pour des clients disposant pourtant par ailleurs de revenus et d’épargne. Il existe aussi des comptes joints recueillant uniquement l’échéance de crédit et quelques prélèvements alimentés avec retard par les titulaires, et pour finir des comptes en déshérence dont les titulaires ont domicilié leurs revenus dans une autre banque.

La deuxième source de difficulté provient de la présence ou non d’incidents de paiement sur le compte : la corrélation entre facturation de frais d’incidents et fragilité financière réelle n’est pas établie. En effet, certains ménages très modestes gèrent leurs comptes très attentivement et ne sont jamais à découvert alors que certains clients plus aisés dépensent sans vérifier l’état de leurs comptes.

Dès lors, il est essentiel pour les banques de suivre avec attention la situation de leurs clients identifiés comme fragiles. Les banques ont une obligation légale et une responsabilité morale et de conseil dans l’accompagnement de leurs clients fragiles. Seule l’identification du motif de cette fragilité – surendettement, difficultés financières réelles, mauvaise gestion… – leur permettra de proposer un accompagnement adapté. Les solutions ne manquent pas : un compte bloqué permettant d’éviter les dépassements, un accompagnement personnalisé pour analyser les difficultés rencontrées, des solutions de gestion de trésorerie comme des applications de gestion du budget, le découvert autorisé, le financement des écarts de budget ….

Les banques sous pression

Après avoir été saluées pour s’être engagées à plafonner les frais d’incidents pour les clients fragiles, les banques sont désormais sous la pression des pouvoirs publics.  L’Observatoire de l’inclusion bancaire chargé de vérifier, sous l’égide de la Banque de France, la bonne application de cet engagement, alerte aujourd’hui les banques sur les disparités importantes dans l’identification de ces clients ‘’fragiles’’ entre établissements. > Lire l’article des Echos : Les banques priées de mieux identifier leurs clients fragiles

Les enjeux en termes d’image et de satisfaction client sont majeurs. Les enjeux financiers associés sont eux aussi de taille : auparavant seuls les clients souscrivant à l’offre spécifique ‘’clients fragiles’’ (soit 10% d’entre eux) voyaient leurs frais d’incidents plafonnés. Depuis l’engagement pris fin 2018, le nombre de clients plafonnés a donc été multiplié par 10. Le coût de la mesure est estimé entre 500 et 600M€ pour les banques.

Un vrai challenge à relever pour les banques qui doivent aujourd’hui remettre à plat leurs modèles et développer des solutions pragmatiques et porteuses de valeur pour leurs clients !

Laurent Mérour, associé fondateur de Querya

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